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LA RIVIÈRE-À-MARS

chemins et des clôtures encore bordés d’arbustes et d’herbes, dans les prairies verdâtres et dans les champs fraîchement mouillés.

Pierre bascula son tombereau au bout de la terre faite, le long du taillis du trécarré, et le Blond, après avoir secoué de quelques coups de tête énergiques le mors et les cordeaux trop tendus, se mit à raser l’herbe qui se trouvait à sa portée. Dans le bois vert du trécarré, le chant des derniers oiseaux se faisait entendre plus clair parmi les arbres dépouillés et dans le bruissement, plus sonore que le sol nu, des feuilles tombées des bouleaux et des trembles.

Tranquillement, en homme que rien ne presse, Pierre éparpilla avec sa fourche une partie de sa charge de fumier sur ce coin de pré où le père voulait au printemps planter des patates. Ce pré était de terre sablonneuse et, certes, les tubercules y viendraient bien. Pierre s’arrêta bientôt, le front déjà ruisselant de sueurs quoique l’air fût frais. Il se redressa, s’appuya nonchalamment sur le manche de sa fourche fichée en terre, et embrassa du regard toute la baie qui s’étendait devant lui, ainsi que la terre du père, descendant sous ses