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LA RIVIÈRE-À-MARS

Il faisait bien semblant de se rendre utile quelques jours durant la semaine, mais il eût mieux valu qu’il ne travaillât pas. Il gâchait tout.

Une grise après-midi de fin d’octobre, Pierre, juché sur un tombereau, s’en allait en haut de la terre fumer un coin de prairie où souvent son père avait exprimé l’intention de planter des patates. Octobre déclinait mais resplendissait quand même sous la force magique de l’été des Sauvages. La saison morose avait accroché aux arbres et répandu dans les champs ses draperies mélancoliques. Le paysage des terres, vieilles ou neuves, avec leurs souches plantées comme des mausolées qui évoquent la mémoire de la forêt, était net et comme lavé par un orage récent, de même que, le samedi soir, le parquet de bois des maisons reluit après le frottement saccadé de la brosse à lessive aux bras nerveux des ménagères. C’était partout l’absolu silence propre à la saison demi-morte. L’ensemble des champs était comme une zone rase que revêtait seulement la gaze de l’air et de la lumière. À la hauteur des terres, une fraîcheur acre montait d’en bas, faite de tous les arômes ramassés dans les sillons du labour, au long des