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LA RIVIÈRE-À-MARS

l’étoffe se dressait constamment dans la clarté de la fenêtre qui donnait sur le chemin du Roi.

Tard le soir, après une rude journée, la vaillante Élisabeth, peut-être pour le simple plaisir de changer d’ouvrage, s’asseyait sur le banc du métier, et, les deux pieds posés le long des pédales grossières de merisier à peine équarries, elle saisissait la poignée du battant et travaillait, travaillait, passant et repassant la navette à travers les fils entremêlés de la chaîne, tassant la tissure à coups répétés du ros dont le peigne de laiton miroitait à la lumière de la lampe fixée au plafond. On entendait au dehors le bruit monotone, énervant à la fin à force d’être sans cesse répété, des pédales frappant l’une contre l’autre, le déclenchement criard du tendeur, les notes enrouées des remisses, le frappement sourd du ros sur le tissu. Et c’était ainsi durant des heures, jusqu’à la nuit faillie.

Il y avait encore la traite des vaches matin et soir, le barattage du beurre, le soin de la volaille, des porcs, des veaux, le sarclage du potager, l’arrachage des légumes.

Et Pierre, pendant ce temps, flânait ou rêvait.