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LA RIVIÈRE-À-MARS

perdue. Pierre ne déridait pas. Et puis, il y avait, pour le père, l’inquiétude de la maison, là-bas, à Saint-Alexis. Il savait Élisabeth et Jeanne seules pour faire le ménage et le train à l’étable, pour scier le bois de chauffage, tirer l’eau de sous la glace d’un ruisseau qui coulait non loin des bâtiments. Tout cela rendait Alexis nerveux, inquiet. Aussi, malgré les difficultés sans nombre qu’il avait à affronter, il se faisait un devoir d’aller, toutes les quatre ou cinq semaines, passer le dimanche au village.

C’est un de ces dimanches-là qu’il s’aperçut que Jeanne était courtisée. Jeanne avait alors dix-huit ans. Elle était assez jolie, grande et forte pour son âge, de teint frais, de poitrine hardie. Un gars de Chicoutimi venait la voir régulièrement depuis le début de l’hiver. Il arrivait tous les samedis avec le postillon. C’était un déblayeur de grand’scie aux usines Price, à l’air déluré autant que raboteux. Dire que ces amours-là plurent à Alexis Picoté serait mentir. Il n’aimait pas ces gens d’usines et de chantiers. Ils sont sacreurs, disait-il, aiment la bouteille et détestent généralement les travaux de la terre. Il voulait bien croire