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LA RIVIÈRE-À-MARS

— Oui, et si on s’est éreinté pour le reste de nos jours ?

Il n’était pas plus courageux au village, le printemps et l’automne, au temps des labours. Pierre et son père se reposaient, le soir, dans la cuisine ou sur le perron de la porte, quand il faisait beau, et Alexis disait à son aîné, pour le stimuler :

— Bon ! on a fait trois grandes planches, aujourd’hui. Dans deux jours on aura fini le chaume.

Et Pierre, comme au camp du lac Gravel, toujours songeur, bougonnait :

— Dans deux jours… dans huit jours… dans six mois… ça sera à recommencer.

Toujours Pierre rêvait. De quoi ? De rien, de tout. Il lui venait toutes sortes de fantaisies et, alors, le petit monde qui l’entourait perdait prise sur lui. Il était indifférent à tout. Souvent, le soir, les voisins venaient veiller chez Alexis Picoté. La soirée se passait à parler du passé, des premières années de la petite colonie des « Vingt-et-Un » sur les bords de la baie. On s’amusait à dévider l’écheveau des souvenirs, à évoquer l’aspect du pays en ce temps-là, simplement afin de se