Page:Potvin - La Rivière-à-Mars, 1934.djvu/112

Cette page a été validée par deux contributeurs.
114
LA RIVIÈRE-À-MARS

vité des gens en sueurs de la corvée, avec leurs paroles rares, graves, qui ne montaient pas plus qu’à hauteur d’homme dans l’air chaud, les voix plus légères des femmes, les cris et les rires clairs et frais des enfants. Tout cela accompagné en sourdine dans toute l’étendue du champ par les cymbales des grillons et les crécelles métalliques des sauterelles sautant d’andain en andain, et tout cela embaumé par l’odeur du foin coupé. Pendant que le soleil plongeait derrière l’horizon et que la lune grimpait de l’autre côté du ciel sur un nuage gris, les faucheurs en file abattaient la dernière planche de foin déjà imbibée de rosée. Les femmes avaient pris les devants vers les maisons. Dans le pacage d’à côté, les enfants, pour fêter la fin de la corvée, avaient fait une meule d’herbes sèches et de branchages dont ils faisaient une flambée. Les faucheurs s’en venaient maintenant, en silence, les faux sur l’épaule, vers le brasier de joie, et des coups de brise fraîche venue de la baie et passant sur les chaumes arrachaient des tourbillons d’étincelles à la meule en feu d’où semblaient s’enfuir par milliers des abeilles d’or.

Et les tâcherons se mirent en marche, d’un pas