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LA RIVIÈRE-À-MARS

égard. Depuis le début de la corvée, il était souvent le premier dans la file.

Penché au niveau de la tête des plus hauts épis de mil, les jarrets nerveux busqués en angle prononcé, il avançait presque à petits pas de course dans le sentier odorant que traçait sa faux dans le foin. Une sorte de furie l’emportait. Mais l’outil plongeait toujours avec adresse dans les mils et les trèfles, évitant les cailloux et les mottes de terre dure où le tranchant peut s’émousser et se briser.

Alexis Picoté s’est senti encore le chef.

Vers cinq heures, des femmes et des enfants étaient accourus des maisons vers la Prairie-de-l’Anse-à-Alexis, apportant une collation. Outillés de râteaux et de fourches, ils amassaient maintenant en veilloches les andains des premières heures du jour, dont le soleil avait totalement affaissé les tiges et les feuilles.

Sur ce coin de campagne, où la simple présence de l’homme était inusitée, s’éparpillaient aujourd’hui, comme en grand gala, les bruits de l’acier sciant l’herbe en vingt endroits à la fois, le crissement sonore des pierres sur les faux, l’acti-