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LA RIVIÈRE-À-MARS

entrepris de faucher toute la Prairie-de-l’Anse-à-Alexis, atteignaient le bout du champ à l’heure où le soleil allait chavirer derrière un pic. Ils étaient arrivés là le matin au moment où l’aube accroche son miroir sur l’Orient, pendant que les étoiles occidentales, basses et pâlies, clignotent encore sur la courbe frangée des collines. Ils s’étaient mis tout de suite à la besogne, les reins courbés comme des lutteurs, et, d’un balancement régulier, pas à pas, ils abattirent tout le jour les foins et le mil cendré que le soleil fanait à mesure que la faux les couchait en andains. Car il faisait chaud à faire cuire des œufs sur la pierre. Le soleil rôtissait la terre, l’herbe, et accablait les faucheurs.

Ceux-ci se donnèrent pourtant quelque relâche au moment où l’espace ensoleillé leur apporta les notes de l’Angelus de midi. Alors, ils allèrent s’asseoir dans l’ombre bariolée des clôtures de cèdre et se mirent à mordre les galettes brunes et les tranches de lard de leur repas. Mais accusés par l’étendue de foin debout que la prairie portait encore, ils se remirent au travail de nouveau, sans sieste, sans retard. Et jusqu’au bout du jour et