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LA RIVIÈRE-À-MARS

Ces braves gens, habitués aux montagnes lointaines de Charlevoix, le pays le plus isolé du Québec pendant deux siècles, ne pouvaient pas concevoir que le progrès a parfois les pas drus. Accoutumés à croire et imaginer, à ne pas chercher à savoir ni à comprendre ; charmés par les mystères environnants et meurtris tous les jours par la rugueuse et pauvre vérité ; pétris de croyances naïves qui poétisent le monde et frissonnant d’angoisse devant les vapeurs étranges des marais qu’ils changeaient en fantastiques feux follets ; imaginant toujours quelque chose de vague et de terrifiant qu’on sentait passer dans l’ombre et peuplant l’obscurité d’êtres fabuleux, inconnus, méchants, rôdeurs, dont on ne pouvait fixer les formes, et dont la puissance occulte et inaccessible semblait pourtant un inévitable enserrement qui passait les bornes de la pensée et glaçait les cœurs ; croyant naïvement que l’inexpliqué est l’inexplicable et ne pouvant prévoir que la connaissance de jour en jour peut reculer les limites du merveilleux et rétrécir le domaine de la superstition ; braves, hardis et téméraires devant les dangers visibles et connus, mais émus, troublés, effrayés, pris de