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LA RIVIÈRE-À-MARS

sortir en allumant leur pipe. Ces profonds indifférents pour la nature semblent attirés vers elle par une irrésistible sympathie chaque fois que quelque chose d’imprévu, de grave, passe dans l’existence. Tout paraissait les appeler, cette nuit-là, dans la cour et dans le potager. Ils observaient tout avec candeur, avec une naïveté toute neuve. Ils notaient l’âme rêveuse montant du jardin, entendaient les plaintes des arbres qui bordaient les terres, remarquaient que l’obscurité étirait les défrichés et geignait sous le moindre souffle. Ils éprouvaient aussi que le potager semblait comme heureux, après un été d’abondance et d’efforts productifs, d’être devenu fainéant, à peu près inculte. Les mauvaises herbes s’y pavanaient à l’aise, délaissées depuis longtemps par Arthur et par sa mère. Elles confondaient les branches cursives des citrouilles et des concombres, les panaches des carottes et des betteraves, les panoplies des oignons et les couronnes des laitues. Et sur le tout, les lampes de l’intérieur répandaient, par la porte et les deux fenêtres ouvertes, des éventails de lumière, troués par le chiendent et