Page:Potvin - La Rivière-à-Mars, 1934.djvu/100

Cette page a été validée par deux contributeurs.
102
LA RIVIÈRE-À-MARS

du pauvre enfant. Le père et la mère faisaient pitié. Les voisins auraient voulu les consoler, mais la surprise ou la peine les étreignait eux-mêmes et les empêchait de dire un mot. La mère, d’une extrême pâleur, suffoquait sans pouvoir sangloter. Alexis, lui, ne disait rien, ne pouvait articuler une parole : il avait comme un bouchon dans la gorge et comme des tenailles qui lui serraient le cœur.

Arthur était celui de ses deux garçons qu’il aimait le mieux. Il avait, comme lui, l’attachement à la terre, au point qu’on avait eu toutes les peines du monde à le tenir à l’école. Il voulait à tout prix travailler aux champs et au bois avec son père. Il avait appris vite, quand même. Il avait du talent. Son caractère était franc, décidé. Raisonneur, peu obéissant, il était, en somme, tout différent de l’aîné qui n’aimait rien de ce qui plaisait aux autres, la terre moins que tout. Alexis Picoté se l’avouait sans fausse honte : si on lui avait apporté le cadavre de Pierre, tout mouillé encore de l’eau de la Rivière-à-Mars, ce triple soir de septembre, il lui semblait qu’il en eût eu moins de peine que pour la perte de son pauvre Arthur, mort en voulant apporter à ses parents, comme il