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IX

Ernestine travaillait sans bon sens ; et c’était bien malgré moi, allez ! Songez donc, elle était tout fin seul pour tout le train de la maison : le ménage à faire, les repas à préparer, le linge à laver, les vaches à tirer, matin et soir, les taurailles, les porcs et les volailles à soigner, le pain à cuire et le beurre à tourner. Et avec tout ça, elle trouvait encore le temps de travailler au métier à tisser, de filer, de carder, et elle aurait voulu que j’eusse semé du lin pour faire de la toile. Elle avait de plus son jardinage qu’elle soignait comme les yeux de sa tête, ses légumes qui étaient toujours les plus beaux de la paroisse et ses fleurs dont tous les samedis soirs elle faisait un gros bouquet que le bedeau venait chercher pour l’église. Elle s’éreintait, vrai, et le soir, tard, après la veillée passée à raccommoder le linge de corps ou à filer, elle se couchait presque morte de fatigue. Souvent elle tombait endormie pendant sa prière et je devais la réveiller. À la première chantée des coqs, elle était debout. Souvent même, après avoir trait ses vaches, soigné ses volailles, fait le déjeuner, elle s’habillait à la hâte et allait à la basse messe à un quart de mille ; elle revenait pour le déjeuner. De plus, je vous l’ai dit, quand Joseph était absent, et c’était bien souvent, elle m’aidait aux travaux des champs.