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VIII

Plusieurs hivers se passèrent pendant lesquels avec mon seul garçon à présent je continuais de couper du bois, non pas sur ma terre où il n’y en avait presque plus, mais au Lac Gravel où l’on avait, des gens de Saint-Alexis et moi, « jobber » des chantiers pour le compte de Price, toujours. Mais je dois vous dire que Joseph n’était pas plus ardent à la hache qu’il était ambitieux, l’été, à la charrue, à la faucille, ou à la faulx. J’ai été longtemps à me demander à quoi rêvait cet enfant-là. Quand il travaillait on aurait dit que ça n’était pas de ses affaires.

Lorsque, le printemps ou l’automne, au temps des labours, nous nous reposions, le soir venu, je disais pour l’encourager : « Bon, on a fait trois grand’planches aujourd’hui ; dans deux jours on aura fini le chaume ». Je riais et je me montrais tout content.

Lui, se tenait assis, penché, les coudes sur ses genoux et fumant sa pipe. Il levait la tête et répondait : « Dans deux jours, dans huit jours… oui, et ça sera à recommencer dans six mois ».

L’hiver, aux chantiers du Lac Gravel, nous habitions tous deux avec un nommé Demeules un petit campe de bois rond couvert de branches d’épinette et de sapin. Après le souper, pendant que nous fumions alentour du petit poêle de tôle noire qui réchauffait