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VII

Me voilà chef de famille, cultivant la terre que m’avait laissée mon père et faisant vivre ma mère, mes deux garçons et une fille. Cette dernière nous était arrivée trois ans après mon cadet. Ah ! que j’ai travaillé pendant ces années-là. Dam ! j’avais charge d’âmes et mon ambition était de bien établir mes enfants.

Saint-Alexis-de-la-Grande-Baie avait changé, comme vous pensez. Il n’était plus question de « concerne ». Nous habitions une belle et grande paroisse dont les terres étaient à peu près toutes défrichées, de la Baie jusqu’au trécarré. Nous avions une belle église bâtie en pierre et qui se remplissait aux offices du dimanche au point que les syndics songeaient à l’agrandir. Mais le cimetière, hélas ! s’était agrandi avant. Des croix de bois noir formaient maintenant presque une couronne autour de celle qui marquait la tombe de mon père, l’une des premières creusées dans le champ des morts de la paroisse. L’après-midi de la Toussaint, lors de la visite annuelle aux morts, on lisait, à présent, sur les croix, les noms d’Alexis Tremblay, d’Ignace Couturier, de Joseph Lapointe, de Louis Villeneuve, de François Maltais, de Jean Harvey et que d’autres, à part les premiers arrivés.