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V

Seul avec mon père, de fait, il fallait travailler terriblement pour répondre aux besoins de la terre. J’étais jeune mais fort et adroit. Je ne reculais devant aucun travail même les plus fatigants. À quinze ans, j’ai labouré seul toute une pièce de terre. Je fauchais à la javelle et, des fois, je dépassais mon père dans le coupage du blé à la faucille. Quand, l’automne ou le printemps, avant les semences, on faisait de la terre neuve, mon père voulait seulement me faire ramasser des écopeaux. De fait, c’était là le travail des petits garçons dans la terre neuve. Mais je n’aimais pas ça. Aussi, je m’attelais avec mon père sur d’énormes souches à arracher. Je prenais même la hache et cherchait à déraciner de grosses touffes d’aulnes et de harts rouges. À la fin, mon père me laissait faire, plein, j’en suis sûr, d’un grand contentement de voir que j’étais si capable. Et c’est ma mère qui, une fois son ménage et sa cuisine terminés à la maison, venait ramasser derrière nous les petits bois.

Mon père fit venir, un printemps, un cheval de la Baie Saint-Paul. C’était un jeune cheval fringant qu’il fallut accoutumer aux gros travaux de la terre. Jusque-là, on s’était servi seulement d’un bœuf pour ces ouvrages. Quand on faisait de la terre neuve, on attelait le cheval et le bœuf sur l’arrache-souche et c’est moi qui menais les deux bêtes. Mais notre bœuf