Page:Potvin - La Baie, récit d'un vieux colon canadien-français, 1925.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.
33
la baie

lation de près de cent mille âmes qui vit de la culture de la terre.

Vrai de vrai, nos pères ont bien travaillé et ce tour qu’ils ont joué à la Compagnie de la Baie d’Hudson a réussi ; et c’est pas même à ces messieurs de la Baie d’Hudson de s’en plaindre. Mais ce que cette fondation veut dire de misères, on peut difficilement l’imaginer, et j’en ai été une des victimes moi qui pourtant avait tant de joie, les premières années alors que je ramassais des noisettes dans la coulée de la Rivière-à-Mars et allais aux bleuets au Cap-à-l’Est où nous prenions des ours dans des boîtes. Mes misères, à moi, devaient venir après, quand j’étais un homme capable, fort, ambitieux, aimant sa terre comme on aime sa mère ou son église.

Mais je veux pas aller trop d’avant et raconter tout ça avant d’autres choses.

Naturellement, après la goélette qui nous amenait à la Baie, il en est arrivé d’autres venant aussi de Charlevoix. Deux familles au complet seulement étaient venues dans la première goélette : la famille d’Alexis Tremblay et la mienne. Quand on vit que l’établissement réussissait, les autres membres de la Société firent venir de Charlevoix leurs femmes et leurs enfants. Ces goélettes nous apportèrent ce qui nous était encore nécessaire, de sorte qu’à l’époque de ma première communion, nous avions à peu près tout ce qu’il nous fallait pour vivre par nous-mêmes sans le secours de qui que ce soit. Je dois vous dire que ceux qui vinrent dans les goélettes d’après la nôtre ne venaient pas seulement faire la « pinière ». Leur intention était tout bonnement de prendre des terres pour les cultiver, sans jouer aucun tour à la Compagnie de la Baie d’Hudson. Quelques-uns, même, en arrivant, entre autres Mars Simard, de la Baie Saint-Paul, allèrent se tailler des lots de l’autre côté de la Rivière-à-Mars — qui prit son nom de Mars Si-