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la baie

Que les dimanches, par exemple, étaient ennuyeux ! Pas d’église, pas d’offices religieux. Le matin, nous récitions le chapelet en famille dans chaque campe. Les hommes dormaient dans l’après-midi tandis que les femmes, après avoir préparé les repas du midi et du soir, lisaient dans nos livres de classes ou dans leurs paroissiens. Le soir, après souper, tous les gens de la concerne se réunissaient à l’extrémité d’une petite pointe qui s’avançait dans la Baie et où nous avions planté une croix de cèdre avec, au pied, une petite statue de la Sainte Vierge incrustée dans le bois. Nous disions de nouveau le chapelet et, ensuite, Thadée Boulianne, qui avait une belle voix, chantait un cantique. Il en chantait un, d’ordinaire, que nous aimions plus que les autres, je ne sais pourquoi. Il fallait entendre, dans le silence du soir, cette belle voix de Thadée Boulianne :

L’ombre s’étend sur la terre,
Vois tes enfants de retour,
À tes pieds, auguste Mère
Pour t’offrir la fin du jour.

Nous savions tous ce cantique par cœur et nous entonnions le refrain ensemble :

Ô Vierge tutélaire !
Ô notre unique espoir !
Entends notre prière
La prière
Et le chant du soir.

Nous entendions tout au fond de la Baie et à la lisière du bois l’écho répéter jusqu’à quatre fois le dernier mot du refrain. Comme nous aimions ce moment-là de la journée du dimanche ! Au bord de la Baie, nous sentions moins les mouches que chassait la brise du large et nous restions là, autour de la