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la baie

re barbouillée de sirop cuit, ce qui n’était pas, vous pensez bien, pour éloigner les maringouins.

La goélette de M. Price fit plusieurs autres voyages durant l’été.

Les relations commerciales étaient désormais établies entre la Grande Baie et Chicoutimi où l’on faisait déjà plusieurs années avant nous le commerce du bois.

Les jours que la goélette passait dans la Baie pour faire son chargement de billots étaient pour les gens de la Baie presque des jours de fête. Tous les soirs on se réunissait, des fois chez Alexis Picoté, d’autres fois chez nous, et le capitaine de la goélette, un gros garçon qui était autrefois de Québec, venait veiller ; nous lui faisions raconter ce qui se passait à Chicoutimi. Il nous contait, par exemple, les exploits de Peter McLood qui était alors presque l’empereur de tout le territoire du Saguenay et, pour l’heure, gérant de la Compagnie Price.

C’était un homme pas ordinaire, à ce qu’on raconte et c’est lui qui avait fondé ce système de « piton » qui a enrichi la Compagnie. On payait tous les hommes des moulins et des chantiers avec ses « pitons » dont des millions n’auraient pas pu payer une allumette à Québec ou à Montréal. C’était, comme qui dirait, de la monnaie allemande d’aujourd’hui à ce qu’on dit dans les gazettes. Ils n’avaient de valeur que dans le magasin Price à Chicoutimi. Il est vrai qu’on pouvait se procurer là tout ce qui était nécessaire à la vie des colons et des gens des chantiers. C’était déjà pas mal et l’on se plaignait pas trop des « pitons ».

Mais je reviens à Peter McLood, un homme qui avait de tous les sangs dans les veines, mais surtout du sang d’écossais et du sang de sauvage. Il savait tout faire et il avait à lui seul toutes les qualités et tous les défauts d’un homme. Il passait pour un sorcier. Des fois, il n’aurait pas été capable de tuer