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deux cents piastres pour les deux gros « rollways » de billots de pin qui étaient sur la grève, à l’entrée de la Rivière-à-Mars.

Je dis deux cents piastres mais cette somme-là, alors, n’eut pas vallu cher ailleurs qu’à Saint-Alexis et à Chicoutimi, car elle consistait en une série de petits papiers qui n’avaient de valeur que dans les magasins de M. William Price à Chicoutimi et qu’on appelait des « pitons ». Aux magasins Price on échangeait ces « pitons » pour des provisions de bouche et autres marchandises. Ils ne vallaient pas plus. Mais, n’importe, cela représentait déjà beaucoup pour nous autres qui étions privés de tout ce qui était nécessaire à la vie ordinaire.

Tous les hommes de la « concerne », le lendemain, aidèrent le capitaine de la goélette et ses deux matelots à charger la goélette de billots de pin. Il en resta encore sur les « rollways » pour plusieurs voyages. Avant son départ, on remit au capitaine une liste des effets dont on avait besoin pour jusque une valeur de cent-cinquante « pitons », soit au jour d’aujourd’hui, cent-cinquante piastres.

Trois semaines après, la goélette revînt avec ce que nous avions demandé : du lard salé, de la farine, des patates, du thé, de l’huile, de la mélasse, du tabac, de la flanelle, de l’indienne, du coton et une quantité de menus objets qui manquaient chez nous depuis que nous étions arrivés.

Vous pensez bien que ce jour-là fut un autre jour de fête sur les bords de la Baie. Le soir, il y eut une grande veillée chez Alexis Picoté où avec de la mélasse des Barbades arrivée sur la goélette on fit une grande chaudronnée de tire. C’était la première sucrerie dont on se régalait depuis notre arrivée à la Baie. Nous, les enfants, fûmes dans une jubilation extrême ; jamais l’on avait assisté à pareille fête. Nous nous couchâmes parfaitement heureux, la figu-