Page:Potvin - La Baie, récit d'un vieux colon canadien-français, 1925.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.
11
la baie

entendu, bien sûr, cette musique. Plus tard, quand ce son-là se faisait encore entendre, je me rappelle que des troupes d’oiseaux volaient en folie, partout au-dessus de la clairière où étaient bâtis nos campes.

C’est de ce son de cloche dont je me souviens le mieux de toutes les cérémonies de mon baptême. Dam ! encore une fois, voilà soixante-quinze ans de ça et je suis bien pardonnable, je pense, de ne pas en savoir plus long.

Mais j’ai encore d’autres souvenirs de ce temps là.

Je me rappelle qu’un peu plus tard après mon baptême, un matin, dès le petit jour, je sortis de notre cabane pour aller jouer sur la grève. Le temps était clair, l’eau de la Baie brillait comme un grand miroir sous les rayons du soleil qui se levait du côté du Saguenay. Des alouettes chantaient à tue-tête alentour de la clairière. Tout-à-coup je criai :

« Maman, y a cinq vaches à matin ! »

Maman sortit sur le perron du campe et s’exclama.

« De fait, le petit dit vrai ; il y a cinq vaches ».

Les cinq bêtes paissaient du foin bleu au bord de la grève.

Jusque là, pourtant, depuis l’arrivée de la goélette qui nous avait amenés de Charlevoix à la Baie des Ha ! Ha ! nous n’avions avec nous que les quatre vaches qui avaient fait le voyage dans la cale de la « Sainte-Marie ».

Au cri de ma mère, mon père sortit de la cabane et regarda du côté de la grève :

« Faites pas de bruit », nous dit-il à voix basse, « c’est un orignal ». Il rentra et revînt avec son fusil, fit quelques pas, se cachant derrière de grosses souches d’épinettes, épaula tout à coup, et pan !… L’un des cinq animaux tomba. Je me rappelle bien l’avoir