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assez vague, il voyait se dresser en sérénité, le bonheur enfin conquis. Il sentait qu’une nature comme la sienne avait besoin d’amour ; sans amour se perdraient sa volonté déjà trop faible et ses désirs robustes de travail. Mais tout à coup, il avait la conception nette de la vanité de son espoir ; il se voyait tout d’un coup prédisposé aux engouements passionnels. L’occasion eut pu faire de lui un larron, mais jusqu’ici l’occasion lui avait manqué. En ces moments d’affaissement sentimental, il en venait même à douter de son amour pour Jeanne Thérien. Durerait-elle longtemps, cette flamme des belles années ?

Quelquefois, son imagination, la seule faculté qu’il eut vraiment cultivée, le laissait complaisamment s’égarer dans des désirs craintifs, troublants et délicieux de joies inattendues, de tristesses sans cause dont il savourait l’enivrement et ressentait la puissance. Alors, il avait des attendrissements subits, des vues optimistes sur le monde des sentiments.

Et à ces moments, il n’existait plus de Jeanne Thérien.

Mais le paysan, le fils de la terre réapparaissait vite et, dans ces accalmies sentimentales, il se laissait aller, avec la même aisance, à l’amour pur et sans heurts des gens simples des campagnes. C’était, en un mot, chez lui, la lutte entre l’amour qu’il rêvait sans tache et le flirt qu’il soupçonnait amusant.

De son côté, Blanche Davis ne rêvait qu’à la vraie vie du cœur et elle sentait que ce cœur de mondaine des villes s’était déjà trop embarrassé dans les