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les autres, les mouches aux couleurs variées, les différents hameçons. Il lui apprenait comment on met les amorces et les plombs quand on laisse descendre les lignes dans les courants ou au fond ; enfin, tous les engins qui signifiaient la mort pour le peuple des eaux… Et puis, pour l’âme de la jeune fille éprise de poésie, quel symbole que cette eau qui glisse à ses pieds emportant avec elle l’infini du temps : image de la vie et ce depuis toujours ; et quelle poésie dans les décors du théâtre, dans cette surface diamantée au soleil, rouge au crépuscule, noire ou blanche ou bleue selon les nuages du ciel ; quelle curieuse fascination dans ce miroir des eaux aux secrets enfouis, insoupçonnés à nos yeux… Enfin, l’ivresse, quand le poisson « mord », d’avoir percé le secret et sorti de l’onde son trésor.

Le « trésor » était quelquefois une vilaine « barbotte », souvent même un de ces affreux monstres du Saguenay que l’on appelle « crapauds de mer » ; mais rien ne rebutait Blanche quand Paul était assis à côté d’elle et la regardait lancer les lignes.

Le jeune homme, d’autres fois, lui apprenait la terminologie locale et populaire de nos poissons saguenayens. Il disait les mœurs et l’habitacle de la « barbotte » et de la « petite morue », la saveur de notre jolie sardine du Saint-Laurent, pauvre petit poisson des côtes de France égaré dans nos eaux quand nos ancêtres quittèrent pour la plupart les rives laurentiennes ; il parlait de nos grandes truites de lacs que les indigènes ont appelé « touradis », de notre saumon d’eau douce, la « ouananiche » ; il décrivait l’inesthétique