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deux caps qui font la nuit de leurs ombres immenses ; entre les deux caps, il y a une anse arrondie et coquette.

« C’est celle où nous sommes en ce moment », disait Paul.

Les canots glissent, plus rapides ; coupant la ligne d’ombre que projettent les caps, ils viennent s’échouer dans la baie. Les canots sont vite couchés sur la grève où ils semblent déjà dormir et, bientôt, s’élèvent vers le ciel les flammes d’un grand feu de sapin. Les quatre indiens, disposés à l’entour du foyer, regardent longtemps, rêveurs, les rougeoiements de la flamme et les spasmes des tisons qui se tordent dans les cendres ardentes… Approchons-nous de ces hommes austères, premiers habitants de ces farouches solitudes, et prêtons l’oreille à leurs discours ; l’un d’eux parle. C’est le plus jeune.

« Œil du Hulotte, » dit-il à son voisin, vieillard aux regards étincelants, « voudrais-tu nous dire, en ta haute sagesse, ce que t’apprirent, aux jours de ton jeune âge, les anciens de notre valeureuse tribu sur ces sombres lieux où nous sommes cette nuit ! »

« Pied-de-Perdrix, » dit le vieil indien, « je veux bien raconter au fils de mon frère ce qu’aux jours de ma jeunesse j’appris de ces lieux. Écoute. C’était aux premières heures de ce monde : L’Être Suprême que nous craignons tous avait noyé tous les mauvais manitous dans ce fleuve qui roule ses flots à nos pieds. Mais un encore, un démon, plein de rage, se débattait toujours dans l’abîme, voulant, invincible orgueilleux, reconquérir ce trône du monde qui l’avait rendu si jaloux