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l’emportent souvent sur les plaisirs de la réalité… Quoi ! tout ce qui s’annonçait sous de si riantes promesses se serait-il déjà si tôt évanoui ? Blanche Davis ne peut-elle donc pas attendre que les fleurs aient semé leurs pétales sous les premières pluies et le premier souffle automnal avant de s’abandonner au lancinant ennui du départ ?…

Ce matin, le soleil donne sur le jardin de la villa ; l’air est traversé de cris d’oiseaux. Dans le bleu du ciel, que l’on aperçoit à travers les cimes touffues des arbres, des gazouillements plus prolongés, plus longuement modulés, se croisent comme s’il pleuvait des sons. Sur les feuilles et sur les gazons du jardin, des disques de clarté tremblent et des rosiers qui montent et s’épanouissent reçoivent toute la chaleur et toute la clarté dans les coroles de leurs fleurs.

Et cependant, Blanche Davis s’ennuie ; elle voit comme un vide dans la sérénité et l’éblouissement de cette journée naissante. Comment expliquer la tristesse d’heures qui devraient engendrer de la joie, de la confiance dans le présent et dans l’avenir et qui, au contraire, pénètrent de la plus pesante mélancolie ?

Accoudée à la petite barrière à claire-voie du jardin, Blanche, depuis près d’une heure, regarde obstinément bien loin devant elle, sur le fleuve, dont l’eau est azurée comme le ciel.

« Mais qui ose donc s’ennuyer ici par ce matin de rêve ? » claironna tout à coup une voix fraîche, derrière la jeune fille.