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qui ne faisaient jamais de caresses à la rive… calomnies, tout cela ! Notre fleuve est doux et bon et il n’a pas de traîtrises… Et il est beau. Vous verrez que ses falaises, où, en quelque saison de l’année que ce soit, la nature semble avoir fait son studio favori, présentent toujours un aspect qui ravit : que ce soit par les ardents soleils d’août, quand elles fatiguent les yeux à force d’être vertes… alors, les flots ont mille chatoiement et ils rayonnent comme de l’or ; que ce soit par les claires journées d’automne, où l’on peut admirer davantage ses rouges manteaux, ses tapis d’or brûlé et ses lagunes éclatantes et mélancoliques de feuilles finissantes,… alors, les flots sont plus doux et plus bleus encore, ou enfin, que ce soit par les terribles tourmentes d’hiver, quand les sapins sont si lourds de neige que l’on croit qu’ils vont faire crouler la falaise à chaque rafale et que les bouleaux gelés craquent avec sonorité en élevant leurs grands bras maigres au-dessus de la poudrerie qui rase les autres cimes… alors, les flots emprisonnés sous la glace épaisse coulent tristes et sombres, mais fiers quand même… Ah ! vous l’aimerez bien, notre Saguenay… »

« Vous aimerez aussi son histoire et ses légendes continua Paul, en s’enflammant davantage… »

Le jeune homme ne s’adressait plus maintenant au père de Blanche Davis. Par un mouvement du cœur, qu’il lui eût été bien difficile d’expliquer, il ne voyait plus devant ses yeux qu’une couronne de cheveux d’or encadrant un joli visage intéressé. Et c’est au joli visage qu’il s’adressait à présent :