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L’APPEL DE LA TERRE

C’est une après-midi de fin de juillet. Toutes les maisons dorment sous l’ardent soleil et, derrière les rideaux rouges des fenêtres, on dirait que les habitants se sont enfermés jalousement dans la fraîcheur des pièces, se cachant aux ardeurs du dehors. Ces maisons sont basses et avenantes, crépies d’un lait de chaux, jaunies et craquelées comme des fruits mûrs. Des branches d’arbres ornent avec coquetterie leur face qui regarde la mer qu’elle domine de toute la hauteur de la falaise. Elles sont, chacune, percées d’une porte et, régulièrement, de deux fenêtres ornées de rideaux aux couleurs criardes et qui les trouent avec symétrie. Les seuils sont usés et les cheminées penchent légèrement à droite comme si le vent les eût insensiblement poussées à chaque rafale qui vient du large. Devant chaque résidence, un minuscule parterre piqué de quelques roses, de giroflées et de beaucoup de géraniums et de liserons des champs au calice blanc, est séparé du chemin par une clôture disjointe. Ces maisons ont l’air de contenir le bonheur et l’on détourne la tête, quand on les a dépassées, pour les regarder encore.

Et tout ce village de vieilles maisons est comme ramassé dans un repli des flancs rudes des Laurentides, sur un haut plateau qui surplombe les gorges du Saguenay. Ce plateau a sa base sur une grève rocailleuse, du côté du fleuve, et de l’autre, sur une plage de sable fin. Du haut de la falaise, on aperçoit et le fleuve et les bouches du Saguenay. À la rencontre des deux immenses courants, la vague ne fait point