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L’APPEL DE LA TERRE

Qu’il faisait une nuit douce ! Le village dormait indolent et, le long du chemin, les arbres dansaient à la lune. Les grenouilles, pour l’instant, fatiguées sans doute, semblaient pleurer maintenant et leurs pleurs tombaient flutées, goutte à goutte, comme une harmonie plus précise, dans le silence. Un chien jappait à l’autre bout du village et un autre lui répondait d’une ferme, près de la rivière. À la lisière du bois, une vache meugla. Les trèfles, le long des fossés du chemin, embaumaient tant qu’ils pouvaient.

Bien des fois les deux jeunes gens avaient admiré la splendeur des nuits saguenayennes, jamais ils ne l’avaient sentie comme ce soir-là ; le souffle des Laurentides avaient souvent caressé leur front, ils ne l’avaient jamais trouvé si vivifiant et si pur. Jeanne était heureuse et son âme flottait toute entière dans un songe imprécis et délicieux. Et il y avait de tout dans ce rêve : des fleurs, des chants et des oiseaux ; quelque chose qui embaumait et qui chantait à la fois, comme au bord de la route.

La conversation se rompait. Il y avait dans ces deux jeunes cœurs quelque chose d’inconnu, de grand, de pur, qui les emplissait d’un trouble délicieux. C’était l’amour plus embaumé que les trèfles, plus gazouillant que l’oiseau qui venait d’égréner un trémolo plein de sommeil dans le jardin d’à côté, et qui était celui du presbytère.

On était à l’église.