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L’APPEL DE LA TERRE

La jeune fille de Jean Thérien était brune et grande ; elle avait les joues rouges et les bras hardis. Son père l’aimait orgueilleusement. Il en était fier, quand il la voyait, alerte et joyeuse, parcourant la maison, rangeant les meubles, soufflant le feu, balayant, époussetant, toute au plaisir du ménage. Alors, elle lui rappelait la défunte et des larmes venaient au fonds de ses yeux, comme au soir doré de printemps où elle trépassa…

La maison du menuisier était bâtie à l’autre bout du village. Quand Paul y arriva, les fenêtres étaient faiblement éclairées. Doucement, il entrebâilla la porte.

« C’est moi, Jeanne, » fit-il avec douceur.

Jeanne était seule, occupée à un travail de couture. La vue de son héros lui arracha un léger cri de surprise. Elle rougit tant qu’elle put, mais n’en alla pas moins ouvrir la porte toute grande à son fiancé.

« Tu ne m’attendais pas, hein ? » fit celui-ci en pénétrant dans la pièce.

— J’ai compté vingt-six longs jours sans te voir, murmura-t-elle. C’est trop.

Paul regarda autour de lui.

« Ton père est couché ? »

— Non, il est allé chez le grand Joe pour s’entendre avec lui au sujet d’une laiterie à construire.

— Cela tombe bien ; j’ai quelque chose de sérieux à te dire.

Jeanne reprit son aiguille et rougit de nouveau. Paul s’était approché. Il dévorait des yeux la jeune