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L’APPEL DE LA TERRE

plaisir à opposer les tranquilles recoins des campagnes qu’il connaissait à la fébrilité de l’autre vie qui surabonde et qu’il ignorait…

Et, entre les deux, son cœur n’avait encore osé choisir.

N’ayant pu apprendre, durant ses études, l’énergie nécessaire à la lutte, Paul restait encore l’écolier sujet aux impressions singulières et vives, capable seulement de s’émouvoir devant ce qui manifeste un aspect, mais n’ayant que des notions imparfaites sur les choses pratiques ; resté naïf, il ignorait tout de la vie, sauf ce qu’il en souffrait sans cause précise…

« Devinez ce qui m’arrive ! » fit tout à coup Paul, après avoir mangé, quelques instants, en silence.

— Une bonne nouvelle ? demanda le père.

— Très bonne ; Monsieur l’inspecteur vient de me faire savoir que l’inspection de mes élèves ayant été satisfaisante aux derniers examens, mon traitement sera porté à deux cents piastres, l’année prochaine.

— Diable ! fit le père, en avalant coup sur coup deux gorgées de thé chaud.

— Voilà où mène le travail, ajouta sentencieusement la mère.

Elle couvait du regard son fils ainé, ce fils dont elle était fière, ce qui lisait dans de gros livres. C’était son préféré, son gâté, celui-là. Elle ne s’en cachait pas, d’ailleurs, et elle ne voyait aucun mal à cette préférence. Il est vrai que de temps en temps, son Paul subissait les railleries de la famille et des voisins ;