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L’APPEL DE LA TERRE

maintenant, Jeanne !… nous sommes au mois de décembre… veux-tu qu’aux Jours Gras, tu deviennes ma femme, ma petite femme chérie ?…

Jeanne leva les yeux sur son fiancée, puis, souriant :

« Je te l’ai promis, mon bien-aimé… tu sais, là-bas, près de l’église….

« Gendron, tu sais, elle n’est pas à vendre, la terre !…

C’est André Duval qui, la bouche pleine, décroche cette malice à Samuel Gendron qui, après la messe, et à la nouvelle, apprise sur la route, que Paul Duval était de retour, était venu lui dire bonjour avec plusieurs autres voisins. La grande cuisine est pleine de rires et d’exclamations joyeuses. La mère Duval, dont le bonheur ne peut s’exprimer, venait de sentir une inquiétude soudaine, l’envahir : le ragoût sera-t-il suffisant pour tout ce monde qui se succède à la table du réveillon ?…

Mais la mère Duval n’a jamais été à bout de ressources, et, pour prévenir la disette de ragoût, d’énormes bouts de boudin se mirent bientôt à griller, à noircir, à se boursouffler et crever dans la poële avec les crépitements de la braise de trois autres grosses bûches de bouleau que le père Duval a, d’une main experte, placées lui-même dans le foyer…

« Ah ! si l’on avait le temps de faire cuire l’oie ! » s’exclame la mère. Mais, non, ce sera pour demain… Le bon vin canadien, fait, à l’automne, avec les bluets