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lui avait fait ignorer les subtilités modernes qui, elles seules, mènent à présent ce que l’on appelle encore l’amour, dans les villes ; il maudit jusqu’à cette ferveur de son amour à lui qui l’avait si subitement et si aveuglement rempli de l’extase obsédante comme l’était sa détresse, après le rêve envolé…

L’obscurité est maintenant profonde, dans la pauvre cellule, et le calme prend plus de place dans l’âme tourmentée du jeune homme.

Il avait cru sincèrement en la sincérité de l’être aimé, mais il avait ignoré et il venait d’apprendre qu’en amour moderne la sincérité est le pire défaut. Et à présent qu’il le savait, il réalisait avec amertune que cette passagère liaison avec Blanche Davis avait été une mortifiante duperie, l’outrage de l’amour simulé ; cette Montréalaise, avec lui comme avec tant d’autres de ses pareils, n’avait fait que coquetter, filer une intrigue pour passer le temps dans une solitude, aiguiser les désirs d’un naïf campagnard, toutes indigentes redites de l’éternelle comédie. Elle avait, un instant, cédé à son amour par caprice romanesque pour avoir, plus tard, à divulguer à des amis intéressés, même au mari amusé, l’aventure toujours intéressante d’un bref roman d’amour fleuri dans des cœurs en jeunesse…

Une horloge lointaine sonna dans le silence les douze coups de minuit, et Paul Duval songeait encore. Mais ses réflexions prirent bientôt un autre tour. Il avait eu pour Blanche Davis, d’abord de la colère, puis, du dédain, enfin, de la pitié. Il l’avait crue sincère et il s’était trompé sur les sentiments de la jeune