Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/173

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il y eut alors comme un moment de stupeur dans le groupe ; on se regarda surpris ; une grande pâleur couvrit le visage de la jeune fille. Timide maintenant, gauche, effrayé de l’effet produit parmi les citadins par son indiscrète exclamation, Paul Duval réalisa combien il devait être ridicule à ce moment. Il n’osait plus ni dire un mot ni faire un geste ; au reste, un grand éclat de rire parti du groupe le cloua davantage sur place. Les jeunes gens partirent ; Blanche Davis, traînant un peu, et à dessein, de l’arrière, s’était approchée de lui et, sans presque s’arrêter, lui avait jeté en passant :

« Vous êtes un imprudent et vous avez failli me compromettre ; je vous avais recommandé de ne jamais plus chercher à me rencontrer ; je me marie dans deux jours avec Gaston Vandry, entendez-vous ? Votre intervention serait ridicule… Adieu !… »

Et la jeune fille partit en courant rejoindre ses compagnons. Après, il ne se souvenait plus de rien ; il ne se rappelait plus qu’il était resté longtemps à la même place, exposé à la risée de tous ceux qui passaient et qui s’amusaient de son hébétude ; qu’il était descendu de la Montagne en risquant cent fois de se faire arrêter, écorcher ou écraser et qu’il avait traversé presque toute la ville dans cet état de surexcitation voisin de la démence.

Et maintenant sa mésaventure le navre, le mortifie ; cette entrevue inutile et ridicule où il avait joué un rôle de bouffon présente à ses yeux les proportions d’un événement désastreux. Il maudit sa naïveté qui