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plus facilement que les forts, mais si elle est rude, elle est capricieuse parfois ; elle peut coucher un fort jusques dans la fosse libératrice, et elle peut aussi déterminer soudain une hautaine endurance chez ceux que de lourds chagrins ont formés à l’abattement et aux mièvres ennuis. Une grande souffrance peut s’attaquer à une nature puissante et menacer l’édifice mental mais un cœur faible peut offrir dans les mêmes circonstances, une force de résistance sublime…

Plusieurs fois déjà, Paul Duval avait pris la résolution de ne plus chercher à rencontrer les mauvais compagnons qui l’avaient conduit au vice. Et puis, il en avait assez de ces scènes affreuses et dégoûtantes de buvettes ; il en était las… enfin, les lendemains sont si pénibles…

Un matin, dans l’effroyable sensation d’écroulement qui l’abattait, il surgit au cœur du pauvre petit saguenayen un courage soudain et presque surnaturel. Une volonté énergique lui rendit le contrôle complet de ses actes ; il décida de donner à sa vie le tranquille niveau de naguère.

Aussitôt, il se rendit à la maison de commerce qui lui avait donné du travail et il demanda de nouvelles paperasses à copier et à vérifier. On était content de lui et on lui en donna.

Et pendant encore des journées, des soirées et des nuits, il travailla dans sa mansarde où il n’entendait même pas les sourds grondements du vent de novembre maintenant et les tintements de la pluie contre les vitres de son unique fenêtre.