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Le soir, au retour, la ville était laide ; quand il rentrait dans sa chambre, la nostalgie lui étreignait le cœur plus brutalement encore…

Jusqu’alors, Paul Duval avait été à l’abri des contagions malsaines, des dépravations précoces. Un jour, une grande transformation s’opéra en lui ; il avait déjà passé par tant de phases morales. Le milieu, l’ennui, le désœuvrement, la solitude devaient fatalement exercer sur sa tête jeune et son cœur trop tôt désabusé leur néfaste influence. Lui aussi devait glisser sur la pente dangereuse.

Depuis qu’il était en ville, des étonnements de toutes sortes avaient commencé pour lui. Il avait vécu des jours enfiévrés par l’ardeur du travail et d’autres jours, vides de tout, du travail comme du plaisir. Son désœuvrement voulu lui fit connaître une époque étrangement troublée.

Il y a à Montréal, comme dans toutes les grandes villes, dans les quartiers ouvriers, des maisons où il se passe des choses étranges. Le soir, aux heures où tout commence à se tranquilliser dans le reste de la ville, il sort de ces maisons des bruits d’enfer en même temps que de leurs fenêtres s’échappent des relents écœurants d’alcool. Là, des groupes de sans-travail, de sans-famille et de sans-patrie vont s’étourdir. Il s’y passe d’effroyables bacchanales ; on y boit d’incroyables quantités d’alcool frelaté ; on blasphème entre deux hoquets ; on éructe des mots orduriers. Ce sont des lieux maudits…

Et, un soir malheureux de la mi-octobre, alors