Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/150

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Depuis qu’il avait commencé de travailler, Paul Duval ne sortait que pour les repas qu’il prenait, les plus maigres possible, dans un restaurant du voisinage ; il rentrait vite et se courbait sur ses paperasses. Chaque jour, pendant plus d’une semaine, sans penser aux conséquences d’un surmenage aussi excessif, Paul Duval renouvella son effort, d’une surprenante intensité. L’endurance du jeune homme n’y eût pas suffi sans une extraordinaire et subite énergie qu’il puisait dans son ennui même. Il ne s’interrompait que brisé de fatigué, à bout d’innervation pour lutter contre l’engourdissement qui faisait fléchir ses épaules ; des fois, emporté par cette furieuse folie du travail, il renonça de se coucher craignant de trop s’attarder au lit et il se contentait d’un somme, la tête appuyée sur sa table de travail…

Mais un soir qu’accablé, il avait arrêté, un instant, la course de sa plume sur le papier, une mauvaise pensée traversa soudain son esprit.

Etait-il venu à Montréal seulement pour se livrer, jours et nuits, à cette besogne d’esclave ? Ne valait-il pas mieux, vraiment, rester simple maître d’école à Tadoussac plutôt que de devenir vulgaire copiste besognant dans une vilaine chambre d’un mauvais hôtel de Montréal ? Évidemment, il faisait fausse route. Vrai, ce n’est pas en s’enfermant ainsi des jours et des nuits entières dans sa triste cellule, à aligner des chiffres et à blanchir du papier qu’il aiderait le hasard sur lequel il comptait tant pour lui faire rencontrer celle qui avait été la cause de ce si complet