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les mêmes étoiles et, pour la première fois, il sentit son cœur étreint dans l’étau de la nostalgie. Il lui sembla voir se dresser devant lui un avenir atroce qui l’effraya ; il sentait son cœur comme muré à jamais sous les pierres lourdes et massives du désenchantement. Il éprouva, en ces cruelles minutes, tout le nu, tout le froid et le vide de son existence. Un cercle l’étouffait ; et il subit toutes les affres de l’angoisse morale.

Avant de fermer la fenêtre par où commençait à entrer, trop vif, le froid de la nuit, il jeta un dernier coup d’œil dans la rue. Elle était encore grouillante de promeneurs et de promeneuses ; des fusées de rire montaient à lui. Pourquoi était-il étranger à cette joie ? Pourquoi ces belles heures de la vie des autres et de la sienne mouraient-elles stériles, privées de l’active allégresse qui était, comme aux autres, son vœu, mais pour lui, l’inexaucé ? Allait-il donc être condamné désormais à l’unique privilège de la souffrance, et cela parce qu’il avait aimé et qu’il aimait ?… Ah ! les affres brisantes et déprimantes de l’isolement… Pourquoi donc serait-il la victime d’une effroyable exception aux lois naturelles des bonheurs dispensés partout excepté au coin ou geignait son adolescence déserte ?…

Le réverbère s’éteignit soudain et la nuit déploya ses noirs bleuâtres au dehors. L’obscurité étendit son mystère sur les bruits de la ville.

Paul Duval voulut demander au sommeil l’oubli