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enfin, jusques aux régions où la vue s’arrête au bord des perspectives insondables, s’étendait la nappe illimitée de toits, coupée par les avenues et les ruelles le long desquelles se resserraient les maisons en masses sinueuses ou en denses empâtements. Les parcs mettaient, au milieu des constructions, leurs flots de feuillages multicolorés par l’automne.

Paul Duval subissait l’émotion que créent les spectacles où s’inscrivent les appétits, les désirs et les fêtes, les rages et les amours des multitudes ; il imaginait cette vie, en bas, enfiévrée et criarde ; on travaillait, on inventait, on trafiquait, on aimait.

Et tout cela lui parut hostile, menaçant. Dans cette immense agglomération, pensait-il, seule, la foule existe et l’effort isolé doit vite se convaincre de son impuissance ; y a-t-il de l’intimité, de la confiance réciproque ?… Des inconnus que les nécessités de la vie mettent en présence pour les besoins du commerce ou de l’industrie…

En définitive, une vie pénible, une vie chagrine et froide…

Et, pourtant, il lui fallait vivre là-dedans puisqu’il y était venu. Il était venu à Montréal sans d’autre but que celui de revoir, ne serait-ce qu’en passant, au hasard d’une course dans les rues, la douce figure de Blanche Davis ; tout au plus, Paul Duval avait-il poussé son ambition amoureuse jusqu’au désir de dire un mot à la jeune fille, de lui déclarer encore une fois son amour et de lui exprimer son grand désespoir.

Il ignorait même en quel point de l’immense