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des efforts avortés, des rappels aux catastrophes et des inutiles regrets… Et le tumulte de la rue, grondant, au milieu de ces pensées confuses, de cet amas d’impressions et de souvenirs qui escortaient le jeune homme, le faisait buter aux trottoirs dont la hauteur inusitée trompait son attente…

Poussé par les hasards de sa course sans but, Paul Duval se surprit à gravir la Montagne. Il se trouva bientôt au sommet de cette merveille aimée des Montréalais.

Le banc où il s’affala, fourbu et fatigué, le vit en proie à la plus noire mélancolie. Il s’effraya à l’aspect vue de cette monstrueuse ville à ses pieds.

Dans une gloire automnale où le soleil accentuait en ourlets de lumière les saillies des édifices, le grand paysage de pierres, d’asphalte, de briques et de bois se déployait en lignes nettes avec tous les saisissants caprices de ses reliefs. Sur cette gigantesque ossature, le ciel bleu d’automne planait… Mais Paul Duval avait beau écarquiller les yeux il ne pouvait voir toute l’immensité de la ville malgré les grands coups de vent qui en agrandissaient l’horizon ; à l’ouest et au nord, la ville se dérobait. Mais aux pieds de la Montagne, des blocs énormes de pierres grise se tassaient ; ça et là apparaissaient quelques pâles verdures de squares, quelques pelouses que coupaient les renflements d’énormes édifices. Des coupoles s’arrondissaient au centre du paysage ; des tours et des clochers étaient réduits en des traits indécis sur le fond lointain de l’eau du fleuve qui cernait l’horizon. Partout,