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et que les oignons étaient un peu séchés, elle les attachait par bottes de douze avec une ficelle.

André vint dans le jardin et voulut aider à sa mère.

« Non…laisse faire, » dit-elle, « dans une demie-heure j’aurai fini… Les oignons sont beaux, cette année, regarde-moi ça ; pas une piqûre de vers. Malheureusement, je n’en ai que trois « carrés ». Le printemps prochain, il m’en faut cinq. C’est de la bonne terre, ici, pour les oignons. »

André regarda sa mère, surpris… Mais qu’est-ce qu’ils avaient donc, les vieux ?… Après la belle récolte de patates du père pour l’automne prochain, c’était les cinq « carrés » d’oignons de la mère pour le printemps.

« Le printemps prochain, mère, » dit André avec énergie, « la terre… la terre sera vendue… »

La mère Duval eut un petit rire sec.

« Ah ! tu sais, m’est avis qu’elle n’est pas encore vendue, la terre ; oui, c’est vrai, on a fait des offres au père mais… mais il en faudra encore bien d’autres. Il est certain que vous êtes seuls, que la terre s’est agrandie, et que ton père se fait vieux… Mais veux-tu que je te dise, j’ai là, moi, une pensée au fond de la tête et… ça ne démord pas : Paul nous reviendra avant le printemps, j’en suis sûre. Pauvre enfant !… je le connais mieux que tous vous autres, va… Malgré ses études, il n’est pas fait pour la ville ; il va se tanner, j’en suis sûre. Et puis, là… il aimait trop la petite… celle d’ici,… ça ne trompe pas.