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toute la journée. André était triste à mourir. Il sortit, un instant, pour vaquer à quelques travaux d’urgence, aux étables. Le vent soufflait par rafales poussant toujours la pluie ; et il faisait froid ; il avait un mancheron de charrue à réparer mais l’onglée le prit et il s’en fut à la maison.

Le jeune homme trouva d’une longueur interminable cette journée ; il fut de mauvaise humeur et s’emportait puérilement. Il fut injuste pour son père et pour sa mère qu’il accusa de son ennui ; des rancœurs se réveillèrent dans son âme ; son orgueil de terrien se révolta ; ses ambitions de paysan protestèrent. Il pensait maintenant constamment à la narquoise question de Samuel Mercier et, chaque fois, il avait envie d’aller le battre… Puis il tombait dans de sombres réflexions.

Sa terre vendue, que deviendrait-il, lui ? Un journalier besognant du matin jusqu’au soir à des travaux qu’il n’aimerait jamais. On l’emploierait peut-être au moulin, à ce moulin maudit qui allait être la cause du malheur de sa vie ?… Mais non, la cause première, pensait-il ensuite, c’était Paul dont les deux bras auraient pu les sauver tous du déshonneur… oui, du déshonneur. Il se mit en colère contre son frère et l’accusa de la calamité dont il souffrait.

Mais le nord-est cessa et la terre redevint belle ; comme si elle voulait davantage se faire regretter, elle devint belle comme jamais elle n’avait parue encore. De larges espaces s’ouvrirent dans le ciel gris et des rayons du soleil glissèrent allumant sur les prairies