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XVII


Non loin de la terre de Jacques Duval, aux Bergeronnes, il y a une chute d’eau considérable et que bien souvent des gens de la place ont pensé faire servir pour les fins de l’industrie. Aux pieds de la chute, la rivière des Grandes Bergeronnes reprend son cours ordinaire ; elle fait une courbe et c’est passée cette courbe que commence la terre du père Duval. Tout semble fait exprès pour l’établissement d’une scierie précisément sur la terre de Jacques Duval. Mais les Bergeronnais, comme par une sorte de scrupule de paysan, ont toujours reculé à la pensée d’organiser leur village au point de vue industriel. Quel sacrilège, en effet, au nom de ce diable de progrès, on commettrait envers les Bergeronnes en cherchant à faire retentir ses échos des bruyantes cacophonies de l’industrie ; le village ne serait plus lui-même. C’est comme si sous prétexte de purifier un fruit du vent, de la pluie et du soleil, on le trempait dans l’eau claire ; il perdrait son parfum et sa saveur…

Mais c’est une naïve illusion de croire qu’à force de bonne volonté on peut encore sauver çà et là et laisser intacts quelques vestiges du passé. On peut bien dire à la muraille qui fléchit, à la toiture dont le faîte s’incline sous son chapeau de bardeaux mousseux,