Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/127

Cette page a été validée par deux contributeurs.

heureuse avec ce monsieur Gaston Vandry ? Je ne le crois pas… Ah ! pourquoi certaines heures ne durent-elles pas toujours comme les souvenirs qu’elles laissent… ?

« Vous êtes encore plus heureux que moi, mon ami ; ces heures exquises, vous pouvez les revivre encore, vous, avec une autre que vous chérirez… Vous pouvez aller encore sous le bleu firmament pointillé d’étoiles, les soirs où la lune rouge commence son ascension — ces soirs-là, vous rappeliez-vous, vous étiez en verve et vous disiez que l’astre ressemblait à une lanterne vénitienne accrochée au centre d’un voile parsemé de poudre d’or… Le silence nous faisait du bien et disposait à la tendresse ; mon âme avait de folles envies de se fondre dans l’harmonie universelle… Regrets amers !… J’avais commencé de m’attacher aux futaies et me voilà condamnée à aimer les toilettes et les équipages des boulevards montréalais, loin de mon bonheur… Le bonheur !… je sais maintenant où il va se nicher, cet oiseau capricieux ; il est avec la rose, dans le calice d’une fleur des champs — une de vos mauvaises herbes — il est sur une branche d’un sapin du parc de Tadoussac… Mais hélas ! je sais aussi qu’il fuit avec la rapidité de la feuille que le ruisseau emporte… Il m’a échappé »…

« Pardon, mon ami, de ressusciter des souvenirs qui peut-être, s’effacent chez vous. Oublions-nous avec résignation et sans pleurs. À quoi bon pleurer ? Disons-nous adieu, au contraire, le sourire aux