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L’APPEL DE LA TERRE


I


Ils fauchaient depuis le petit jour et déjà ils entendaient, dans l’espace ensoleillé et chaud, les notes de l’angelus du midi ; ils fauchaient depuis l’heure où les étoiles plus basses et pâlies clignotent sur la courbe frangée des montagnes. Les reins courbés, comme des lutteurs, d’un balancement régulier, pas à pas, ils attaquent les foins et le mil cendré ; ces herbes, blessées à mort, se courbent en larges andains autour des faucheurs cependant que le soleil, à mesure, fane leurs fibres.

Un dernier éclair des faulx et les hommes s’arrêtent. Le soleil du midi arde sur toute la campagne, cuisant la terre, séchant l’herbe, accablant bêtes et gens.

Jacques Duval et son fils André vont s’asseoir dans l’ombre mince d’une clôture et se mettent en frais, sans plus de cérémonies, de mordre à belles dents dans la grosse galette brune du lunch préparé le matin à la maison. Et, cependant qu’ils mangeaient, mastiquant bien chaque bouchée qu’ils humectaient de grandes lampées de lait, ils regardaient devant eux le travail accompli… Tout près de là, dans le chaume, attelés à une charrette flanquée de grandes « ari-