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444 LIV. IV. — CONCLUSION.

Oh ! non pas ! Briller pour l’étranger passe bien avant de civiliser son pays ; s’unir, s’entr’aider, se tolérer pour vaincre l’ennemi en renommée ; être bons confrères, voilà qui est

tous les écrivains de notre époque aient manqué à la mission si bien remplie par ceux des périodes antérieures ; que ni pour la justesse de la pensée, ni pour la fermeté du jugement, ni pour le naturel des sentiments, ni pour la correction de l’image, ni enfin pour la constance d’un enseignement bien dirigé, ils n’aient droit à aucune louange, et qu’ils aient laissé sans direction la pensée générale et populaire, l’esprit des jeunes gens et des femmes ! L’admiration éveillée au commencement du siècle par Chateaubriand a servi des idées rétrogrades, celle qu’a méritée Lamartine poète est à peine sortie d’un certain cercle mondain où règnent des sentiments souvent bien fades et souvent affectés ; celle que la jeunesse a ressentie pour le malheureux Alfred de Musset n’a point servi à moraliser la jeunesse ; celle que nous éprouvons tous pour Victor Hugo et qui est devenue plus vive que Jamais depuis que sa muse a abordé les sommets élevés du sentiment humanitaire, n’est point de nature à se généraliser, à descendre dans le peuple et à régir les masses des esprits moyens, parce que le grand songeur manque de goût, de mesure, et quelquefois d’esprit et de jugement. Telles sont les dures vérités que nous avons à nous représenter, touchant le rôle que les conducteurs iïàmes ont rempli parmi nous dans ce siècle, et encore no disons-nous rien de la longue et brillante série des romanciers et des dramaturges qui ont si puissamment contribué à produire l’anarchie des têtes et des cœurs au milieu do laquelle nous nous débattons très misérablement. • Ch. Renouvier. Revue critique, 18 avril 1872.