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Parce que tu nous tiens, nous, morts par contumace,
Dispersés dans l’exil, sans joie et sans travail,
Et qu’affolant le riche et pelotant la masse
Tu nous montres de loin comme un épouvantail ;

Parce que Jules Favre a fusillé Millière,
Garcin, deux Billaurey — faux — et Tony Moilin ;
Parce qu’ils ne sont plus, ces esprits de lumières :
Duval, Flourens, Ferré, Delescluze et Varlin ;

Parce qu’après la fièvre est l’heure d’apathie,
Tu dis : Tout est fini, dormons ! reposons-nous !
Je n’ai qu’à les leurrer d’un semblant d’amnistie,
Et les tigres d’hier lècheront mes genoux.

Je conserve ! dis-tu. Quoi ? La crasse et la graisse,
La misère aux damnés, l’opulence aux élus ;
Et, saoûle de forfaits, tu crois dormir, ogresse ?
Vieille société, tu ne dormiras plus !

Le tocsin troublera tes nuits épouvantées.
Mijote le soldat, le mouchard, le bedeau,
Joins devant ton bon Dieu tes mains ensanglantées,
Dis ton confiteor, marmotte ton credo ;

Tu ne dormiras plus ! Ils rempliraient des pages
Tes crimes impunis, tes vices protégés !
Résumons tout d’un mot : banquet d’anthropophages.
Il n’est plus que deux camps : les mangeurs, les mangés !

Tu ne dormiras plus ! Jamais on ne recule
L’heure du châtiment ! il s’avance à grands pas !
Tu peux crier : au feu ! Si ta baraque brûle,
Tu viderais la mer, tu ne l’éteindrais pas !

Ce n’est pas le pétrole. Oh ! non, c’est la colère
Des peuples qui s’allume : elle couve en tout lieu.