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APPRÉCIATION DE JULES VALLÈS


(Extrait du Cri du Peuple du 29 novembre 1883)




Celui-ci est un vieux camarade, un camarade des grands jours. Il était du temps de la Commune, il a été exilé comme le fut Hugo. Comme Hugo, il est poète aussi, mais poète inconnu, perdu dans l’ombre.

Ses vers ne frappent point sur le bouclier d’Austerlitz ou le poitrail des cuirassiers de Waterloo ; ils ne s’envolent pas d’un coup d’aile sur la montagne où Olympio rêve et gémit. Ils ne se perchent ni sur la crinière des casques, ni sur la crête des nuées : ils restent dans la rue, la rue pauvre.

Mais je ne sais pas si quelques-uns des cris que pousse, du coin de la borne, ce Juvénal de faubourg, n’ont pas une éloquence aussi poignante, et même ne donnent pas une émotion plus juste que les plus admirables strophes des Châtiments.

Certes, il n’y a pas à comparer ce soldat du centre au tambour-major de l’épopée ; mais sur le terrain, un petit fantassin qui, caché dans les herbes, tire juste, vaut mieux qu’un tambour-major qui tire trop haut.

Puis, par la largeur même de son génie, Hugo est trop au-dessus des foules pour pouvoir parler à tous les coins de leur cœur.

Il faut la voix d’un frère de travail et de souffrance.

Celui dont je parle a travaillé et a souffert ; c’est pourquoi il a su peindre, avec une déchirante simplicité, la vie de peine et de labeur.