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LE PRESSOIR



Dans un ciel d’automne orageuse
La lie a barbouillé l’azur.
Sa hotte au dos, la vendangeuse
Porte à cuver le raisin mûr.
En bouillonnant la grappe tombe,
Puis la vis tourne avec effort :
On dirait la vaste hécatombe
De martyrs pâmés dans la mort.

Chantons le martyre en extase !
Chantons la vendange et l’espoir !
Chantons les grappes qu’on écrase,
Les grains saignant sous le pressoir.

Où sont mes grappes ? Leur sang coule,
Disent les pampres du coteau,
On les torture, un pied les foule,
Le Pressoir les tient sous l’étau !
Tu les crois mortes, pauvre feuille,
Plus vivantes à chaque tour,
Le bon vigneron les recueille
En flot de jeunesse et d’amour.

Ce jus d’enivrante agonie
Bu par les peuples en chemin,
Ce vin capiteux du génie
Monte au cerveau du genre humain.