Page:Pottier - Chants révolutionnaires.djvu/121

Cette page a été validée par deux contributeurs.


Si par malheur c’est une fille,
Le sort des femmes donne froid.
J’ai deux sœurs… L’une avec l’aiguille,
Ne gagne pas l’eau qu’elle boit ;
L’autre ?… C’est la plus malheureuse !
Quel métier ! Guetter les passants,
L’œil éteint, la figure creuse,
Elle était si fraîche à seize ans !

C’est un garçon que je désire,
Un de ces vaillants qu’on croit fous,
Osant le bien, sachant tout dire,
Et rêvant au bonheur de tous.
Mais on les déporte, on les tue,
Ces chercheurs du juste et du vrai.
On les massacre dans la rue,
Comme mon pauvre père, en Mai.

Je veux, dans ma jupe de veuve,
Lui tailler brassières, béguins.
L’élever !… Quelle rude épreuve,
Tous les jours on baisse nos gains.
Par des fois j’en deviens farouche,
Je pense tout noir ! Vous savez ?
Je dis : si je mourais en couche,
Il irait aux Enfants-Trouvés !

Claude est mort, j’aurais dû le suivre !
Mais l’enfant ?… je le sens pourtant,
Je le sens en moi, qui veut vivre,
Il ne sait pas ce qui l’attend.


Montrouge, 1882.