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XXVI
PRÉFACE

s’était fait donner préalablement par ses tenanciers ou ses subordonnés. La prescription au titre est même acquise par la complaisance d’un secrétaire de mairie pendant deux ou même une seule génération. Sur le vu de semblables pièces, la commission émet un vœu favorable à la confirmation du titre en faveur de l’impétrant, lequel, s’il n’est pas hostile au gouvernement, sera mis en possession légale du titre dont il avait commencé par se parer de proprio motu. C’est toujours la reconnaissance des faits accomplis. Usurpez d’abord quelque titre que ce soit, même celui de Roi, et vous vous ferez reconnaître ensuite moyennant un petit sacrifice. Pour la reconnaissance d’un titre de Roi, il peut en coûter une province et peut-être davantage. Pour un simple comte, on ne peut se montrer aussi exigeant ; le tarif n’est que de 7,420 francs s’il s’agit de collation et du quart de cette somme s’il s’agit de reconnaissance[1]. Sur ces chiffres, on peut même obtenir assez arbitrairement des remises totales ou partielles. Mais un titre, quoiqu’à la vérité le nombre en soit illimité, a encore une certaine valeur sur la place ; il peut rapporter d’assez beaux bénéfices en commanditant des sociétés industrielles ; il sert encore fréquemment à redorer un blason en déterminant certaines alliances : c’est ce que Madame de Grignan, appelait fumer ses terres.

« Contentez-vous de ce quoy nos pères se sont contentez, dit Montaigne, et de ce que nous sommes ; nous sommes assez si nous le sçavons bien maintenir. Ne désavouons pas la fortune et condition de nos ayeulx, et ostons ces sottes imaginations qui ne peuvent faillir à quiconque a l’impudence de les alléguer. »

Nous suivrons, en cette matière, la jurisprudence qui n’a jamais varié, à savoir : que les qualifications nobiliaires, contenues dans une série d’actes anciens, sont insuffisantes à elles seules pour établir la noblesse de celui à qui elles étaient données, alors qu’il s’agit d’actes passés avec des personnes n’ayant aucun intérêt à contredire les qualifications énoncées. Les actes notariés et ceux de l’État-civil ne doivent donc être invoqués que comme justificatifs de filiation et jamais de qualité[2].

Parmi les nouveaux documents manuscrits d’une valeur inappréciable dans lesquels nous avons puisé, et qui seront soigneusement indiqués au bulletin bibliographique qui terminera notre ouvrage, nous devons mentionner particulièrement, aux Archives de la Loire-Inférieure, les Anoblissements et franchises faits par le Roi et Duc et ses prédécesseurs de 1421 à 1532 ; les Registres originaux des mandements adressés à la chambre des comptes de Nantes de 1506 à 1790

  1. Dans ces sommes ne sont pas compris les honoraires des référendaires laissés à l’appréciation des parties.
    (De la Procédure en matière nobiliaire devant le conseil du sceau. — Paris, Dentu, 1861.)
  2. Cette jurisprudence, suivie pour toutes les preuves de noblesse aux derniers siècles, a de nouveau été consacrée par un arrêt de la cour d’Angers du 28 décembre 1857.

    Si en 1668 et en 1696 on a demandé aux notaires communication de leurs minutes, ce n’était pas pour reconnaître comme nobles les personnes qui y avaient pris cette qualité, mais pour poursuivre celles qui n’en justifieraient pas.

    « Les titres reposent sur une seule tête… et les fils d’un titulaire n’ont droit ni à un titre d’un degré inférieur, ni, à plus forte raison, au titre même porté par leur pire. » (Circulaire du garde des sceaux aux procureurs généraux du 22 juillet 1874.)