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Les environs d’Angers et de Saumur se peuplèrent pour ses plaisirs de gentils castels on construits à neuf ou transformés, Chanzé, Reculée, Rivettes, Epluchard, les Ponts-de-Gé, Baugé, Launay, la Ménitré, — pour ne parler que de l’Anjou, — de style sans aucune originalité nouvelle mais dont la décoration pourtant semble lui tenir plus à cœur que l’administration de son duchés dévasté par les bandes anglaises. En son château d’Angers seulement, — qu’il n’habita guères, — on lui voit entretenir une véritable ménagerie de dromadaires, de chèvres sauvages, de sangliers, cerfs, singes, paons, autruches, un renard blanc, des lions en nombre, des léopards dont un étrangla son gardien. — Là aussi s’entretient sa bibliothèque, où sont rassemblés, avec l’Ecriture Sainte et ses commentaires, les Pères grecs et latins, Platon, Hérodote, Cicéron, Tite-Live, Boèce, Dante aussi et Boccace, des livres d’astronomie et d’histoire naturelle, en italien, en anglais, en espagnol, en allemand, même une vingtaine de Mss. turcs ou arabes et 16 incunables. Ailleurs, c’est la fête même des champs qui l’attire, ses jardins, ses vignes, le calme de la vie intime, les causeries au bon soleil, dans l’angle d’un vieux mur. En ces jours-là, abordé par les enfants d’alentour ou par les pauvres gens de métier, laboureurs de bras ou pécheurs, il s’apitoyait aux misères, se montrait aumônier à quelque famille et apparaissait dans ce prestige de bonté naïve qui a fait oublier tant de prodigalité et d’incurie. « Et pour conclusion », — c’est Bourdigné qui le dit, — « oncques prince n’ayma tant subjectz, qu’il aymoit les siens et ne fut pareillement mieulx aymé et bien voulu qu’il estoit d’eulx ».

Aucun nom n’est resté en Anjou plus réellement populaire que le sien. Toute origine douteuse de quelque bienfait lui est acquise et il n’est pas jusqu’à la cage de fer où fut enfermé Balue, que l’on n’ait montrée jusqu’aux derniers jours, comme une prétendue « prison de la reine Sécile », mise, selon la légende, en chartre privée par son tendre époux. Son goût si vif pour les beaux-arts s’est prêté surtout à toutes les imaginations. Sans parler d’anecdotes puériles, il n’est tableau ancien qu’on ne lui ait attribué en Anjou, comme plus tard à David père toutes les boiseries ornementées. René, à n’en pas douter, d’après l’examen minutieux de ses comptes, savait peindre et enluminer. Il avait reçu les leçons des maîtres flamands à la cour de Bourgogne et depuis il eut l’occasion à Naples et en Provence d’apprendre aux artistes italiens certains procédés de la peinture à l’huile. La tradition lui attribuait la décoration disparue de ses manoirs de Chanzé, de Reculée, de Launay, et dans les châteaux de Baugé et d’Angers, « la chambre aux chaufferettes, — aux sèches, — aux groseilles rouges », travail à peine peut-être d’artiste. — On a au moins une lettre des Frères-Mineurs de Laval, qui le remercient d’avoir pris la peine de leur composer ung image de Pitié portant la croix, le plus piteulx, le mieux portraict ». — Mais c’est là, malgré tant de légendes affirmatives et encore en circulation, le seul texte un peu précis

qui soit allégué, et il reste à démontrer qu’aucune œuvre, entre les peintures connues, ait quelque vraisemblance de lui appartenir. Le Roi Mort, que M. Lecoy de la Marche et d’autres bons juges reconnaissent à peu près pour le seul type incontesté, est à mon avis le premier tableau à exclure, qui a pour auteur Gilbert Vandeland. Le peintre aussi du tableau des Chartreux de Villeneuve est connu et ni l’admirable Buisson ardent d’Aix, ni la Prédication de la Madeleine du Musée de Cluny ni une médiocre toile du Musée de Rennes ne souffrent l’examen sérieux de la critique, qui les reconnaît de date antérieure même ou postérieure. Il en faut dire autant des 7 ou 8 livres d’heures qui lui sont attribués, à Vienne, à Aix, à Angers, à Poitiers, et dont deux à peine, — les Mss. lat. Bibl. Nat. 1156 et 17339, — ont pu être décorés non de sa main mais pour son service. — Ce qu’il est permis d’affirmer, c’est qu’il entretenait auprès de lui une véritable « école » d’artistes peintres, tapissiers, orfèvres, sculpteurs, qu’il savait apprécier, diriger, commander et à qui plus d’une fois sans doute il dut tracer de sa main l’idée première des chefs-d’œuvre.

On peut au moins lui accorder avec plus de certitude, sur la foi de manuscrits contemporains qui portent son nom, toute une série d’œuvres littéraires, où l’originalité fait défaut mais non la grâce et l’enjouement. Elles se trouvent réunies dans l’édition qu’en a donnée M. Th. de Quatrebarbes : Œuvres complètes du Roi René avec une biographie et des notices ... et un grand nombre de dessins et ornements d’après les tableaux et Mss. originaux par M. Hawke (Angers, Cosnier et Lachèse, 1844-1846, 4 vol. in-4°). — Cette collection comprend : Le Traictié de la forme et devis comme on faict les tournois, composé vers 1451-1452 pour l’instruction de son frère Charles d’Anjou. La Biblioth. Nat. en possède cinq Mss., dont trois du XVe s., que décrivent M. Paulin Paris dans l’édition de Quatrebarbes, t. II, p. cv-cx et Lecoy de la Marche, t. II, p. 154. — Vulson de la C. l’a compris dans son Théâtre d’honneur, et une reproduction magnifique, avec 20 pl. coloriées, en a paru en 1826 par les soins de M. Champollion, grand in-fol., sous ce titre ; Les Tournois du roi René, Une très-rare suite de 15 pièces existe aussi, gravée au XVIIe s. par Melchior Tavernier pour une édition projetée de l’ouvrage d’après les Mss. 2692 et 2683 ; — Le Mortifiement de vaine plaisance, dialogue mystique entre l’âme et le cœur, où intervient l’auteur, en prose mêlée de vers, écrit en 1455 et dédié à Jean Bernard, archevêque de Tours. Deux Mss. en existent à la Biblioth. Nat. dont le n° 19039 Fr. contient un portrait de René écrivant son livre, reproduit dans de Quatrebarbes, t. IV, p. 1 , et avant lui dans Willemin, Monum. Franç. inéd., pl. CXVI ; — Le Livre du Cueur d’amours espris, songe poétique, mi-partie vers et prose, dicté, comme l’indique le dernier vers, en 1457, où se rêvent les aventures d’un cœur perdu à la conquête de Douce-Merci. Deux Mss. s’en conservent à la Biblioth. Nat. avec miniatures dont une représente